Tsering Phuntsok | Moine bouddhiste
Centre de réception des réfugiés tibétains, Inde, 20 avril 2008
1. Quelle définition donnez-vous au détachement ?
C’est le fait d’être détaché des choses superficielles pour se rapprocher de la lumière. Pour cela nous devons faire le vide. Le « je » n’existe plus. C’est alors que peut commencer la compassion. La compassion viendra alors naturellement et rendra le reste superficiel. En somme, le détachement est la destruction du « je ».
2. Dans quelle(s) circonstance(s) le sentiment de détachement a-t-il pris naissance chez vous ?
Lorsque j’ai perdu la vue pendant la traversée de l’Himalaya pour atteindre le Népal clandestinement depuis le Tibet. Cet évènement est en fait la meilleure des choses qui me soit arrivé. Il m’a amené à davantage me concentrer sur le chemin de l’éveil et ainsi de ne pas être distrait.
3. De quoi ne pouvez-vous pas vous détacher ?
Il m’est difficile pour l’instant de me détacher de ma colère, liée aux évènements qui se déroulent tous les jours au Tibet. Cette violence intérieure est inhérente au manque de contrôle de mes émotions. Cela prendra du temps.
4. Dans quel cas le détachement est-il synonyme de fuite ?
Quand la perte de contrôle de ces émotions nous éloigne de notre nature humaine.
5. Quelle image donnez-vous au détachement ?
Un rocher. Il est d’apparence éternel, mais il se désintègre lentement. Seule l’âme est éternelle.
Albert Jacquard | Professeur d’humanistique
France, Paris, 14 janvier 2008
1. Quelle définition donnez-vous au détachement ?
C’est l’attitude qui me permet de me retrouver libre après avoir volontairement accepté d’être attaché. Il faut admettre que se détacher ne signifie pas seulement détruire des liens mais également dépasser ces liens, les gérer, les dominer. Cela devient en quelque sorte de l’amour. L’amour est constitué de liens qui font la richesse d’une relation, mais il est cependant important de les gérer.
2. Dans quelle(s) circonstance(s) le sentiment de détachement a-t-il pris naissance chez vous ?
C’est un évènement structurant et perturbant d’un accident de voiture dans mon enfance à l’âge de dix ans. J’ai eu le sentiment de la fragilité de l’existence. Mon passage à l’hôpital a été un moment où j’ai eu le sentiment d’être détaché du réel, car je m’y sentais oublié, isolé. J’avais alors le sentiment intérieur que l’on me laissait mourir. Depuis, chaque goutte de vie est un cadeau. Il faut être dans l’attitude de réception et de remerciement sans pourtant savoir à qui cela s’adresse.
3. De quoi ne pouvez-vous pas vous détacher ?
Ma compagne, avec qui j’ai eu 3 enfants. Il n’y’a rien dans ma vie qui ne soit pas partagé avec elle. Ce n’est plus seulement l’attachement permanent à l’autre, mais l’insertion de l’un dans l’autre. C’est le sentiment d’une connivence permanence, et quelque fois conflictuelle.
4. Dans quel cas le détachement est-il synonyme de fuite ?
Très fréquemment. On fuit souvent par paresse. Il y’a de nombreuses occasions où l’on est tenté de se défaire de nos engagements quand l’aventure que l’on vit nous amène à vivre telle ou telle chose.
5. Quelle image donnez-vous au détachement ?
Cette idée laisse dans mon esprit un sentiment négatif. Cela me fait penser aux détacheurs au Québec (Boutique de tinturerie en France). J’aimerais que la tâche d’un vêtement reste lorsque celle-ci est liée à un évènement heureux. Cette tâche fait partie de mon aventure. Si je l’enlève, je me détache de cet évènement.
Thierry Robin | Musicien
France, Angers, 24 novembre 2007
1. Quelle définition donnez-vous au détachement ?
C’est la capacité que l’on a à assumer notre destinée, à faire exister son être dans toute sa complexité. Il est nécessaire pour cela de renoncer à se protéger. Il faut tout embrasser, ce qui nous a été transmis, nos origines, notre culture… et dire merci sans faire le tri. C’est ainsi que l’on peut trouver la beauté du monde dans le sens large. Le détachement est l’attachement au monde, corps et âme.
2. Dans quelle(s) circonstance(s) le sentiment de détachement a-t-il pris naissance chez vous ?
Durant mon enfance. J’ai du apprendre à trouver ma place pour grandir. J’étais alors davantage observateur qu’acteur. Ce rôle m’a aidé à mieux appréhender la vie, à comprendre la nature humaine. J’ai réalisé qu’il fallait renoncer pour grandir. On doit renoncer à certaines choses pour en gagner d’autres. On ne cumule pas.
3. De quoi ne pouvez-vous pas vous détacher ?
Je ne pourrai pas rennoncer à l’amour que j’ai pour mes enfants, à cet échange mutuel.
4. Dans quel cas le détachement est-il synonyme de fuite ?
Quand il nous sert à nous protéger du monde, à ne pas se confronter à la vie. L’isolement peut parfois être un certain confort.
5. Quelle image donnez-vous au détachement ?
Le désert. C’est la nature, dans ce qu’elle a de dépouillé, sans aucun artifices. Le monde est alors réduit à sa plus belle expression, entre ciel et terre et sa ligne d’horizon en partage. C’est un dialogue avec ce qui est divin.
Lobsang Palden | Réfugié politique
Centre de réception des réfugiés tibétains, Inde, 28 avril 2008
1. Quelle définition donnez-vous au détachement ?
C’est le fait de diriger son esprit hors de soi dans le but de s’oublier, d’empêcher les pensées. La foi et les prières quotidiennes pour la Sainteté le 14è Dalaï Lama m’ont aidé durant ces 12 années de prison.
2. Dans quelle(s) circonstance(s) le sentiment de détachement a-t-il pris naissance chez vous ?
Lorsque je suis allé à 20 ans dans un monastère. On m’a alors enseigné comment se détacher de ses souffrances.
3. De quoi ne pouvez-vous pas vous détacher ?
Je ne peux pas me détacher de mon attachement à la vie et donc, à l’humain.
4. Dans quel cas le détachement est-il synonyme de fuite ?
Quand les circonstances extérieures nous empêchent d’avoir accès aux prières.Il faut alors être concentré sur sa nature pour ne pas la laisser s’enfuir. Il arrive parfois que l’énergie nous manque, c’est alors que nos enseignements nous échappent ainsi que notre nature.
5. Quelle image donnez-vous au détachement ?
Les prières. Le symbole serait l’image du Dalaï Lama.
Caroline Simonds | Directrice de l’association Le Rire Médecin
France, Paris, 11 juin 2009
1. Quelle définition donnez-vous au détachement ?
C’est une sensation de présence totale dans le monde avec une grande légèreté. C’est une capacité d’être connecté à l’autre, en ayant à la fois un espace de liberté totale autour de soi et de l’autre. Pour être détaché, il faut paradoxalement être connecté. C’est à la foi les racines et l’envol. C’est l’ancre et les nuages avec cet espace entre les deux. C’est notre capacité à créer un espace de rêve, d’imaginaire, d’évasion et de plaisir dans nos contraintes quotidiennes.
2. Dans quelle(s) circonstance(s) le sentiment de détachement a-t-il pris naissance chez vous ?
Dans la souffrance, entre 20 et 30 ans. Une souffrance immense, psychique et sociale. Je me suis alors amusée à créer un imaginaire, énorme, pour m’échapper de celle-ci. La souffrance m’a amené à pratiquer le détachement pour survivre. J’ai ainsi approfondi ma capacité d’aller ailleurs. J’avais cette ressource en moi, du plaisir d’imaginer, d’évasion. J’ai alors réalisé que je pouvais me détacher de cette douleur quotidienne. J’ai appris à me protéger. Cette bulle est devenue une alliée d’une grande ressource. Cela n’a jamais été pour autant une béquille. Le détachement est en fait un espace très protecteur, riche et vital. C’est un détachement personnel dénué de lien avec une quelconque religion. Il permet d’avoir la capacité d’être juste, d’être dans l’intuition.
3. De quoi ne pouvez-vous pas vous détacher ?
De ma fille. C’est un amour indicible, inexplicable et absolu. être parent est une grande leçon de détachement.
4. Dans quel cas le détachement est-il synonyme de fuite ?
Quand on n’a pas le courage de faire face à l’injustice, de la combattre. Il est cependant nécessaire de compartimentaliser les évènements du monde afin de ne pas être paralysé dans ses propres actions. Cette compartimentalisation m’a permit de déterminer mon combat de vie. Il est donc nécessaire de voir mais aussi de se focaliser, afin d’être acteur de cette vie, de la meilleure des façons possible. Il faut être très pragmatique. La fuite serait de ne pas respecter ses intuitions.
Paul Watson | Écologiste, Fondateur de la société Sea Shepherd
France, Paris 6 avril 2009
1. Quelle définition donnez-vous au détachement ?
C’est la capacité que l’on a à rationaliser nos émotions afin d’être efficace.
Ce contrôle nous permet de ne pas être submergé par celles-ci et donc de nous concentrer pleinement sur nos actes. C’est un état de conscience.
2. Dans quelle(s) circonstance(s) le sentiment de détachement a-t-il pris naissance chez vous ?
Je me souviens, à 10 ans, avoir de grandes satisfactions lorsque je sauvais la vie d’animaux dans les villages de pêcheurs au Canada… Dès 6 ans, j’avais pour habitude de libérer les poissons que mon père pêchait. Je fais aujourd’hui ce que je fesais déjà enfant. Cet instinct d’être à l’essentiel a toujours été en moi.
3. De quoi ne pouvez-vous pas vous détacher ?
Je ne peux me détacher du fait d’être. Mon être s’est construit non sur des croyances religieuses, mais sur la croyance profonde que je suis une parti de cette terre. Je ne peux pas me détacher de cet état de conscience, de cette concentration.
4. Dans quel cas le détachement est-il synonyme de fuite ?
Le détachement n’est jamais synonyme de fuite, si l’on contrôle nos peurs. Il faut apprendre à lâcher prise.
5. Quelle image donnez-vous au détachement ?
L’action est le résultat de mon détachement. Lorsque je suis sur l’océan, je me sens libre des lois humaines. L’océan pourrait symboliser cette image.